L’étau réglementaire se resserre autour de la prévente crypto en France. Le gouvernement vient de renforcer son arsenal législatif via le décret n°2025-169, publié le 21 février dernier. Ce texte marque une étape décisive dans l’encadrement des levées de fonds numériques. Couplé à l’entrée en vigueur du règlement européen MiCA, ce nouveau cadre impose des obligations strictes aux émetteurs. L’objectif affiché par les autorités est clair : assainir un marché souvent pointé du doigt pour ses risques et son manque de transparence.
Décret 2025-169 : La fin du « Far West » pour les préventes crypto ?
Si le terme « presale » n’apparaît pas explicitement dans le texte de loi, le champ d’application ne laisse aucun doute. Le décret vise toutes les « offres au public de crypto-actifs », excluant les stablecoins (déjà régulés par ailleurs).
Une assimilation aux offres publiques
Désormais, toute prévente crypto, qu’elle prenne la forme d’une ICO (Initial Coin Offering), d’une IEO (Initial Exchange Offering) ou d’une vente privée avant listing, tombe sous le coup de la loi. Les émetteurs ne peuvent plus opérer dans une zone grise. Le texte impose des standards élevés en matière d’information des investisseurs. La transparence sur le projet, l’équipe et l’utilisation des fonds n’est plus une option, mais une obligation légale surveillée par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF).
Protection contre les asymétries d’information
Le législateur s’attaque ici à la racine du problème des préventes : l’asymétrie d’information. Souvent, les investisseurs achètent des jetons sans produit fini, basés sur de simples promesses. Le décret 2025-169 oblige les offreurs à détailler les risques techniques et financiers. Cette mesure vise à éviter la répétition des scandales de type « rug pulls » (abandons de projets) qui ont émaillé les années 2023 et 2024. Elles continuent d’inonder le web, mais certaines ont attiré l’attention de plusieurs sites de média francophone.
L’impact de MiCA : Le Whitepaper devient un document réglementaire
Le cadre français s’inscrit dans une harmonisation européenne plus large. Le règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets), pleinement applicable depuis la fin de l’année 2024, remplace progressivement les dispositifs nationaux comme la loi Pacte.
Des obligations documentaires lourdes
Pour lancer une prévente crypto en conformité, il ne suffit plus de publier un site web attractif. MiCA exige la rédaction et la publication d’un « Whitepaper » (livre blanc) normé. Ce document doit être notifié à l’autorité compétente. Il engage la responsabilité juridique de l’émetteur. Toute information fausse ou trompeuse peut entraîner des sanctions lourdes.
Une supervision européenne renforcée
L’Europe impose désormais une surveillance accrue. Les projets ne peuvent plus se cacher derrière des structures offshore floues pour solliciter le public européen. La conformité réglementaire devient une barrière à l’entrée. Si cela complexifie le lancement de nouveaux projets, cela offre mécaniquement une meilleure protection aux participants des préventes.
PSAN : Une période de transition jusqu’en 2026
Le décret ménage une période d’adaptation pour les acteurs du marché, notamment les Prestataires de Services sur Actifs Numériques (PSAN).
Le rôle de « gatekeeper » des plateformes crypto
Jusqu’au 30 juin 2026, un régime transitoire est mis en place. Durant cette période, toute plateforme (échangeur, launchpad) qui souhaite proposer ou promouvoir une prévente crypto en France doit être enregistrée en tant que PSAN. Elles ont l’obligation de mettre en place des procédures strictes de lutte contre le blanchiment d’argent et la fraude.
Responsabilité accrue des intermédiaires
Concrètement, les plateformes crypto deviennent les gardiens du temple. Elles doivent vérifier le sérieux des projets qu’elles listent. En cas de promotion d’une prévente frauduleuse, leur responsabilité pourrait être engagée. Cette disposition vise à nettoyer l’écosystème en forçant les intermédiaires à effectuer une « due diligence » (vérification préalable) rigoureuse avant toute mise en vente publique.