Les actionnaires de Tesla ont voté jeudi sur une proposition explosive. Cette proposition consultative visait à ce que le constructeur automobile investisse dans xAI, l’autre société d’Elon Musk. Lors de l’assemblée générale annuelle à Austin, au Texas, un nombre de votes « pour » supérieur au « contre » est sorti des urnes. Cependant, l’entreprise a immédiatement tempéré ce résultat, notant une abstention « significative ». Ce vote, éclipsé par l’approbation du plan de rémunération à 1000 milliards de dollars de Musk, place le conseil d’administration dans une position délicate. Le conseiller juridique général, Brandon Ehrhart, a sobrement annoncé que le conseil allait « examiner les prochaines étapes ».
Un vote consultatif, une abstention « significative »
Ce vote consultatif s’est tenu dans l’ombre d’une autre résolution, bien plus spectaculaire. L’approbation du package de rémunération record d’Elon Musk, valorisé à 1000 milliards de dollars, a recueilli plus de 75 % de soutien. Ce plébiscite pour le PDG contraste fortement avec la réception de la proposition sur xAI.
Alors que la proposition d’investissement a reçu une majorité de votes favorables parmi les participants, le nombre d’abstentions a été qualifié de « significatif » par Tesla. Dans le monde de la gouvernance d’entreprise, une abstention massive n’est pas un signe d’indifférence. C’est un vote de protestation silencieux. Il reflète l’hésitation profonde des investisseurs. Ils sont coincés entre la loyauté envers Musk et la crainte d’un conflit d’intérêts.
Cette gêne explique la position inhabituelle du conseil d’administration. Celui-ci n’a pris aucune position officielle sur la proposition. Il a maintenu la neutralité dans sa déclaration de procuration. Cette posture signale la complexité de la situation. Jessica McDougall, associée au cabinet de conseil Longacre Square, a résumé la situation. Elle note que de nombreux investisseurs sont « à la recherche d’assurances ». Ils veulent des « garde-fous » pour s’assurer « qu’il n’y a pas trop de mélange d’activités ».
« N’externalisons pas notre destin » : l’argument de l’actionnaire
L’actionnaire Stephen Hawk a soumis cette proposition. Son argument est simple : Tesla ne doit pas rater le train de l’IA générative. Il a défendu sa motion avec passion. « Tesla a toujours été une entreprise d’IA », a-t-il déclaré. Il a cité FSD (la conduite autonome) et Optimus (le robot humanoïde) comme preuves.
L’intégration récente du chatbot Grok de xAI dans les véhicules Tesla démontre les avantages de la collaboration. Pour Stephen Hawk, c’est là que réside le danger. Si la technologie de xAI est si utile à Tesla, pourquoi les actionnaires de Tesla ne posséderaient-ils pas une partie de xAI ? Il a exhorté l’entreprise à ne pas « externaliser notre destin ». Il a plaidé pour « maintenir le pouvoir, le contrôle et la sécurité » en investissant directement.
L’argument fait mouche. Il met en lumière la stratégie floue de Musk. D’un côté, il affirme que Tesla est une entreprise d’IA. De l’autre, il crée une entreprise d’IA distincte, xAI, qui lève des milliards de dollars de son côté. Les actionnaires de Tesla voient la synergie. Ils ne voient pas le retour financier.
La « Muskonomy » et le fantôme de SolarCity
Les critiques voient dans cette proposition la manifestation de la « Muskonomy ». C’est un terme décrivant l’empire commercial interconnecté de Musk. Les frontières entre Tesla, SpaceX, Neuralink, The Boring Company et xAI s’estompent.
Elon Musk a fondé xAI en juillet 2023. L’entreprise a rapidement atteint une valorisation de 50 milliards de dollars. Elle a levé plus de 12 milliards de dollars en 2024. Elle a même acquis X (anciennement Twitter) en mars 2025. Ce n’est pas un petit projet. C’est un géant.
Les investissements inter-entreprises ont déjà commencé. En juillet 2025, SpaceX s’est engagé à verser 2 milliards de dollars à xAI. La proposition de Stephen Hawk demande à Tesla de faire de même. C’est ce qui réveille le souvenir douloureux de SolarCity.
Les transactions passées ont suscité la controverse. L’acquisition de SolarCity par Tesla en 2016 pour 2,6 milliards de dollars reste un cas d’école. Elon Musk était président et principal actionnaire de SolarCity. Ses cousins avaient fondé l’entreprise. Des actionnaires ont immédiatement intenté un procès. Ils ont dénoncé un conflit d’intérêts flagrant.
Un juge a finalement statué en faveur de Musk en 2022. Mais cette victoire judiciaire ne change rien à la réalité commerciale. SolarCity a connu une intégration difficile au sein de Tesla Energy. L’entreprise n’a dégagé des bénéfices qu’en 2021. Les investisseurs institutionnels n’ont pas oublié.
Le fonds souverain norvégien l’a prouvé. C’est le sixième investisseur institutionnel de Tesla (1,2 % du capital). Il a voté « non ». Il s’est opposé à la fois au package de rémunération et à l’investissement dans xAI. Ses raisons sont claires : « dilution » et « risque lié à la personne clé ».
Conclusion
Au final, le vote sur l’investissement dans xAI est un avertissement. L’approbation du plan de rémunération a confirmé le statut d’Elon Musk. Il est intouchable. Mais l’abstention massive sur xAI montre les limites de cette confiance. Les actionnaires sont prêts à payer Musk 1000 milliards de dollars. Ils ne sont pas prêts à financer les conflits d’intérêts. Le conseil d’administration de Tesla doit maintenant « examiner les prochaines étapes ». Il doit naviguer entre la volonté de son PDG et la prudence de ses actionnaires.